Comment le reconnaît on ?
2007
FICHE TECHNIQUE - LE HARCELEMENT
La "tertiarisation" du travail n’a pas fait disparaître la souffrance au travail. Mais la souffrance physique cède peu à peu le pas dans les statistiques à une souffrance psychique d’autant plus dévastatrice que ses "ressorts" sont souvent difficiles à analyser.
la fin de l’impunité
Dénoncer la "neutralité bienveillante" des employeurs
Définition du harcèlement moral
LE HARCELEMENT MORAL ENFIN APPREHENDE PAR LE DROIT
Définition du harcèlement moral
Le harcèlement moral
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
Le harcèlement moral consiste en des agissements répétés à l’égard d’un salarié, ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (art. L 122-49 du Code du travail).
Le harcèlement moral n’est pas forcément le fait d’un supérieur hiérarchique ou de l’employeur. Il peut émaner d’un simple collègue.
Les dispositions relatives au harcèlement moral sont applicables à tous les salariés de droit privé, y compris aux marins, concierges, personnels de maison et assistantes maternelles.
Comment prévenir le harcèlement moral ?
Il appartient à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Cette obligation étant de résultat, il peut voir sa responsabilité engagée alors même qu’il n’est pas l’auteur des faits fautifs. L’employeur est tenu d’insérer dans le règlement intérieur des dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral.
D’autres acteurs sont susceptibles d’intervenir en matière de prévention du harcèlement moral : le CHSCT qui peut proposer des actions de prévention, le médecin du travail qui peut proposer toute mesure individuelle justifiée par des considérations relatives à l’état de santé physique et mentale des salariés, les délégués du personnel qui peuvent exercer leur droit d’alerte.
Le harcèlement moral est-il sanctionné par la loi ?
Sur le plan civil, il est prévu qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral, tout acte pris en méconnaissance de ce principe étant nul de plein droit. Une protection similaire est accordée aux personnes ayant témoigné d’agissements de harcèlement moral ou les ayant relatés. En outre, la loi prévoit que le « harceleur » peut faire l’objet de sanctions disciplinaires.
Sur le plan pénal, ce type de comportement est également sanctionné. Le harcèlement moral est puni d’un an de prison et d’une amende de 15.000 €.
Que peut faire le salarié harcelé ?
Le salarié harcelé peut rechercher de l’aide auprès de tous les acteurs précédemment visés : délégués du personnel, CHSCT, médecin du travail, employeur ou inspecteur du travail.
La personne harcelée ou celle mise en cause peut engager une procédure de médiation. Les deux parties doivent s’accorder pour choisir le médiateur. Le médiateur devra s’informer de la situation et convoquer les parties pour tenter de les concilier. Faute de conciliation, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des possibilités de recours judiciaires offertes à la victime.
Il peut également s’adresser à une organisation syndicale représentative qui pourra exercer en justice toute action relative au harcèlement moral en sa faveur, dès lors qu’il y aura donné son accord par écrit. Le salarié pourra toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment.
Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir des dommages-intérêts réparant le préjudice moral et, le cas échéant, financier (ex. : arrêt de travail) né du harcèlement moral. Il peut aussi demander la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. Toute rupture du contrat de travail (licenciement ou démission) résultant d’un harcèlement moral est nulle, le salarié a droit, s’il le souhaite, à sa réintégration dans l’entreprise. Dans certains cas, il peut faire reconnaître que les agissements de harcèlement constituent un accident du travail ou une maladie professionnelle (suicide, dépression, etc.), ce qui modifie les conditions de son indemnisation.
Comment prouver que l’on est victime de harcèlement moral ?
La preuve du harcèlement peut être établie par tous moyens : attestations de collègues, de clients, certificats médicaux, documents divers…
Cette preuve étant difficile à apporter, le législateur en a aménagé la charge puisqu’il appartient au salarié d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Puis, le « harceleur présumé » doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à cette notion. Compte tenu de tous ces éléments, il appartient alors au juge de trancher.
Les fonctionnaires sont-ils protégés contre le harcèlement moral ?
Oui, il est prévu pour les trois fonctions publiques des dispositions particulières très proches de celles applicables aux salariés de droit privé.
N’hésitez pas à vous rapprocher du syndicat Force Ouvrière si vous pensez être victime de harcèlement.
Extrait du Guide du salarié FO 2006 en vente dans la caravane FO
La dépression nerveuse admise comme accident du travail
La chambre sociale de la Cour de cassation a été dépossédée, par ordonnance du 6 janvier 2003, de ses attributions en matière d’accidents du travail au profit de la deuxième chambre civile. On pouvait alors craindre un changement de cap de la jurisprudence en la matière (voir FO Hebdo n° 2610, du 2 avril 2003). Dans un arrêt du 1er juillet 2003, la deuxième chambre civile semble toutefois confirmer l’acception extensive de la notion d’accident du travail adoptée par la chambre sociale (Cass. 2e civ., 1er juillet 2003, n°02-30.576 FS-P, CPAM de Dordogne c/ Ratinaud et a.).
En l’espèce, lors de l’entretien annuel d’évaluation, un chef de poste est surpris de se voir soudainement reprocher d’être incompétent et, en conséquence, de se voir rétrogradé au poste d’agent de maîtrise suppléant. On lui reproche notamment de ne pas s’imposer techniquement face à son équipe, de ne pas être suffisamment « meneur » et de manquer de fiabilité. Son travail avait pourtant toujours donné entière satisfaction.
Deux jours plus tard, son médecin traitant constate qu’il est atteint d’une dépression nerveuse. La CPAM refuse de prendre en charge cette affection en tant qu’accident du travail, malgré l’avis contraire de l’expert médical technique. La cour d’appel de Bordeaux accueille la contestation du salarié et décide que la dépression nerveuse est constitutive d’un accident du travail. La CPAM forme un pourvoi en cassation au motif que le salarié ne se prévaut d’aucune lésion physique, l’entretien n’ayant donné lieu à aucun coup, insultes ou pressions inacceptables sur le salarié.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ». La Cour d’appel ayant constaté que la dépression était survenue de manière soudaine dans de telles circonstances, les juges avaient valablement décidé qu’elle pouvait être considérée comme un accident du travail.
Deux enseignements principaux peuvent être tirés de cet arrêt :
- premièrement, la notion de « lésion corporelle », critère traditionnel de la définition de l’accident du travail, est entendue largement puisqu’elle s’étend aux troubles psychiques. La dimension psychologique de la santé du salarié est ainsi prise en compte en matière d’accidents du travail, comme elle l’a récemment été en matière de harcèlement (loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, article L. 122-49 du Code du travail).
- deuxièmement, il semblerait que la Cour de cassation ait fait de la « soudaineté », entendue comme la certitude de la date de l’événement à l’origine de la pathologie, le critère déterminant de l’accident du travail. Dans un arrêt du 2 avril 2003, déjà, elle avait posé comme principe que constituait un accident du travail tout « événement ou série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci ». Elle décidait alors que la sclérose en plaques contractée à la suite d’un vaccin obligatoire pour l’exercice de la profession était un accident du travail, la date de la vaccination étant certaine (voir FO Hebdo n°2617, du 21 mai 2003).
De la même manière, dans l’espèce qui nous intéresse, l’événement à l’origine directe de la dépression – l’entretien d’évaluation – était précisément situé dans le temps. En ce sens, la condition de soudaineté était remplie.
La Cour de cassation a pu en déduire que la dépression nerveuse pouvait être qualifiée d’accident du travail.
Cette décision a le mérite, au-delà de l’extension de la notion d’accident du travail à laquelle elle procède, de reconnaître, ne serait-ce qu’indirectement, les conséquences désastreuses que peuvent avoir les entretiens d’évaluation sur les salariés. Cette prise de conscience n’est malheureusement pas encore le fait de toutes les juridictions (voir InFOjuridiques, septembre 2003).