2007

FICHE TECHNIQUE - LE HARCELEMENT

La "tertiarisation" du travail n’a pas fait disparaître la souffrance au travail. Mais la souffrance physique cède peu à peu le pas dans les statistiques à une souffrance psychique d’autant plus dévastatrice que ses "ressorts" sont souvent difficiles à analyser.

 Parmi les situations à l’origine, le harcèlement moral arrive en bonne position, les autres facteurs souvent incriminés étant les violences verbales et physiques, le travail dans l’isolement (placardisation), un management « défectueux ». Eh oui, loin devant la prétendue perversité de certains individus, ou les problèmes « personnels »…
 
La Communauté Européenne qui peut difficilement être taxée de manque de sérieux en ce domaine pointe, dans l’accord cadre signé avec les partenaires sociaux sur le stress au travail, l’organisation du travail, la communication, ainsi que des facteurs subjectifs (pressions émotionnelles et sociales, sentiment de ne pas être capable de faire face, impression de ne pas être soutenu …).
Nous ne nous appesantirons pas sur cet aspect des choses – il y a des professionnels bien mieux à même de les évoquer, en particulier, bien entendu, ceux dont l’agrément du Ministère du travail reconnaît la compétence et l’impartialité .
 
Mais il est bon d’avoir ces données à l’esprit lorsque l’on essaie de comprendre les situations que nous avons parfois sous les yeux.
 

Comment le reconnaît on ?

 Le harcèlement touche toutes les catégories et est très rarement une simple question de relations entre 2 individus.
Contrairement à des idées reçues, la source du harcèlement peut être un supérieur hiérarchique mais aussi un subordonné, un ou des collègues.
 Dans son livre « Le harcèlement au travail » M.F. HIRIGOYEN explique :
" le harcèlement moral est beaucoup plus qu’un simple stress au travail même s’il passe par une phase de stress. Si le stress est un dérapage, un mauvais dosage, le harcèlement, implique, lui une volonté de malveillance.
- il ne peut pas, non plus être assimilé à un conflit car, à la différence du conflit, le harcèlement n’est pas une relation symétrique mais une relation dominant- dominé où celui qui mène le jeu cherche à soumettre l’autre, à lui faire perdre son identité .
- Il se caractérise par la répétition des agressions : paroles, attitudes, comportement qui pris séparément peuvent paraître presque anodins mais que leur répétition rend destructeurs."
 Certains ministères ont tenté de s’attaquer à ce problème. Dans les extraits ci-joint d’une circulaire de 2005, le Ministère de l’équipement liste un certain nombre d’éléments susceptibles de nous éclairer sur les éléments constitutifs d’une situation de harcèlement. Il nous a paru intéressant de les joindre à cet article. Le fait de « nommer les choses » permet de les objectiver et parfois de se rendre compte que la situation que l’on vit comme un enfer n’est au fond qu’un processus de manipulation qui peut être « démonté ».
 Cette circulaire précise et c’est important qu’un seul de ces agissements ne suffit pas pour constituer la preuve d’un harcèlement moral ; et que seule l’émergence d’un faisceau d’indices permet de présumer de l’existence d’un harcèlement moral.
 1) problèmes relationnels au travail : isolement, refus de communication, agression.
 - on interrompt sans cesse la victime,
- ses supérieurs hiérarchique ou ses collègues ne lui parlent plus,
- on communique avec elle uniquement par écrit,
- on refuse tout contact, même visuel, avec elle,
 - on l’installe à l’écart des autres,
- on ignore sa présence en s’adressant uniquement aux autres,
 - on interdit à ses collègues de lui parler,
- on ne la laisse plus parler aux autres
- on la prive de travail,
- la direction refuse toute demande d’entretien,
- on menace la victime de violences physiques ?
- on l’agresse physiquement même légèrement (on la bouscule, on lui claque la porte au nez),
- on hurle contre elle,
 2) atteinte aux conditions de travail
 - on retire à la victime son autonomie,
 - on ne lui transmet pas délibérément les informations utiles à la réalisation d’une tâche,
 - on conteste systématiquement toutes ses décisions,
- on critique son travail injustement ou exagérément ,
- on lui retire l’accès aux outils de travail,
- on lui retire du travail qui normalement lui incombe,
- on lui donne en permanence des taches nouvelles,
- on lui attribue volontairement et systématiquement des taches inférieures à ses compétences,
- on lui attribue volontairement et systématiquement des taches supérieures à ses compétences,
- on fait pression sur elle pour qu’elle ne fasse pas valoir ses droits (congés, horaires, primes),
- on lui attribue des taches incompatibles avec sa santé,
- on occasionne des dégâts à son poste de travail,
- on lui donne délibérément des consignes impossibles à exécuter,
- on ne tient pas compte, délibérément des avis médicaux formulés par la médecin du travail,
- on la pousse à la faute.
 
3) Atteinte à la dignité de la personne
 
- on utilise des propos méprisants pour la qualifier,
- on utilise envers elle des gestes de mépris (soupirs, regards méprisants, haussements d’épaules …),
- on la discrédite auprès de ses collègues, des supérieurs ou des subordonnés,
- on fait courir des rumeurs à son sujet,
- on lui attribue des problèmes psychologiques ou relationnels ,
- on se moque de ses handicaps ou de son physique ; on l’imite ou on la caricature,
- on critique sa vie privée,
- on se moque de ses origines, de sa nationalité, de ses convictions …,
- on lui attribue des taches humiliantes,
- on l’injurie, on l’humilie,
- on utilise des sous entendus, des non-dits, des remarques blessantes, des sarcasmes à son égard,
- on claque la porte, on cesse des conversations sur son passage,
- on envahit sa vie privée par des coups de téléphone ou des lettres,
- on la suit dans la rue, on la guette devant son domicile,
- on occasionne des dégâts à son véhicule,
- on la harcèle ou on l’agresse sexuellement (gestes ou propos),
- on ne tient pas compte de ses problèmes de santé.
 
Aussi incongrues que puissent apparaître certains de ces agissements, nous savons que certains d’entres vous en connaissent la réalité.
 
 Que faire face à un harcèlement moral ?
 
Il n’y a pas de recette miracle ; tous ceux qui ont eu à lutter contre un harcèlement moral vous diront que la lutte est longue, dure et exige beaucoup de ténacité.
Les informations que nous avons recensées ci-dessous ne sont que des éléments partiels des débuts de pistes. Le plus important pour faire échec au harcèlement est souvent le fait de ne pas isoler l’agent car l’un des éléments de base de la manipulation consiste justement à l’isoler pour le rendre plus vulnérable.
 
Que dit la réglementation ?
 
Même si la lutte contre ce type de pratique ressemble à un parcours du combattant, le terrain est « balisé » par un certain nombre de textes.
 
La loi n°83- -634 du 13 juillet 1983 modifiée précise (art 6 quinquies) :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel …. 
 … Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé à (ce type d’) agissements.
Ces dispositions sont applicables aux agents non titulaires de droit public ».
(à noter que pour les contractuels de droit privé, il existe des dispositions similaires)
 
La prévention :
 
Le harcèlement au travail est un risque professionnel et sa prévention relève de la responsabilité de l’Employeur qui aux termes de l’art L 230 – 2 du code du travail, doit prendre toutes dispositions propres « à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale » des employés y compris des travailleurs temporaires.
A noter, également les dispositions du décret 82-453 du 28 mai 1982 qui met à la charge des chefs de service « l’obligation de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ».
 
Au regard de ces dispositions, la prévention relève, bien sur, des acteurs médico-sociaux (médecin de prévention, assistante sociale …) et du service des ressources humaines.
D’où l’importance des visites de prévention dont la périodicité va malheureusement être passée à 2 ans …
 
Mais chacun de nous peut jouer un rôle d’alerte auprès des agents chargés de la sécurité et de la prévention (membres du CHS, correspondants Hygiène et sécurité…) et, bien sur, les organisations syndicales sont à l’écoute des agents concernés.
 
La sanction :
 
Outre le dispositif de sanction disciplinaire applicable à tout agent ayant procédé à des agissements de harcèlement et qui doit être engagé par l’autorité administrative compétente sur demande de la victime, cette dernière peut également saisir le juge pénal, sur la base de l’article L 222-33-52 du Code pénal qui institue un délit de harcèlement moral puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
 
L’agent peut, le cas échéant requérir la protection fonctionnelle sur la base de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée.
 
A noter que selon les cas, d’autres textes peuvent également être invoqués, notamment les dispositions relatives à la discrimination.

la fin de l’impunité

 La fin de l’impunité ?
 
 Depuis la publication du livre “La violence perverse au quotidien” de Marie-France HIRIGOYEN, chacun s’exprime sur la question, s’émeut ou s’indigne d’une réalité pourtant ancienne et largement dénoncée dans le monde du travail.
 
 Il aura fallu du temps et un best seller, pour qu’émerge du silence, du non dit, la souffrance d’hommes et de femmes, niés en tant qu’être humains et réduits au rôle de vulgaire machine productive, et qu’enfin le législateur considère comme socialement condamnables des pratiques portant atteinte à l’intégrité et à la dignité des salariés.
 
 Aussi doit-on se féliciter de ce sursaut collectif, relayé par une loi sanctionnant le harcèlement moral.
 
 Pour autant et devant l’ampleur du phénomène, le débat ne doit pas s’arrêter là. Regarder la réalité en face, c’est admettre que le harcèlement moral ne résulte pas unique­ment d’une tyrannie exercée par un individu isolé, pervers et narcissique.
 
 C’est reconnaître que derrière l’idéologie dominante de “guerre économique”, selon laquelle la survie de l’entreprise - ou du service public - n’est possible qu’au prix d’une sélection impitoyable des meilleurs et surtout des plus forts, se crée un puissant mécanisme de légitimation du harcèlement moral.
 
 Sans cette prise de conscience, les limites de la loi seront très vite atteintes, car à force de considérer que seule la cotation sur le marché est un critère de saine gestion, certains en oublient que derrière la rentabilité, les dividendes et les profits, il y a des êtres humains.
 Le monde du travail n’est pas une jungle, où pour gagner, tout est permis y compris “tuer”, et s’il n’est pas question de dédouaner les “harceleurs” de leur responsabilité individuelle, il faudra bien, pour combattre effectivement le harcèlement moral, dénoncer l’hypocrisie sociale d’une loi qui condamne les individus tout en cautionnant le système !

 Dénoncer la "neutralité bienveillante" des employeurs

 Car enfin, même si on ne peut exclure qu’il se trouvera toujours au sein de notre société, et plus particulièrement dans le monde du travail où la notion de dépendance et de subordination est très importante, des individus déséqui­librés, rêvant d’asservir ou de nuire à leur prochain, l’augmentation des situations de harcèlement moral n’est pas étrangère à une compétition économique effrénée, véritable mécanique broyant l’humain pour produire du profit.
 Tous les moyens étant bons pour faire tourner la machine, la persécution morale est devenu un moyen “à la mode” de gestion des ressources humaines.
 Il est donc nécessaire de définir le harcèlement moral pour sanctionner leurs auteurs, mais tout aussi important de comprendre comment une entreprise peut en organiser le développement, pour lutter efficacement contre ce fléau des “temps modernes”.
 
 Etouffer le collectif, s’exonérer des procédures légales de licenciement, exclure les indésirables, exacerber la compétition salariale...
 
 Le harcèlement institutionnel s’organise autour d’une stratégie de gestion de l’ensemble du personnel.
 
 C’est une violence psychologique, instaurée pour faire passer une nouvelle organisation du travail, sans mouvements sociaux, en faisant émerger l’individualisme et le “sauve qui peut”.
 Elle vise à désorganiser tout lien social et aboutit à l’exploitation des salariés ; le but étant de dominer les salariés en étouffant le collectif.
 
 Le harcèlement professionnel exercé à l’encontre d’un ou plusieurs salariés, précisément désignés, est destiné à contourner les procédures légales de licenciements.
 
 Dans ce cas, le harcèlement constitue le moyen le plus “économiquement” rentable de se débarrasser des personnes devenues indésirables dans l’entreprise (trop vieux, trop chers, trop militants...). L’objectif est toujours de les faire “craquer” et de les pousser à la faute professionnelle pour légitimer le licenciement.
 
 Le harcèlement individuel est pratiqué dans un but d’exclusion ou de destruction d’autrui, en valorisant son propre pouvoir, qu’il soit hiérarchique ou non.
 
 Mais, celui-ci n’est pas toujours du seul registre de la relation perverse. Il obéit aussi parfois, dans un contexte de compétition salariale exacerbée, au désir de faire démissionner ou licencier celui dont on convoite la place.
 
 Les méthodes utilisées dans une situation de harcèlement moral consistent en des agissements hostiles tendant à isoler la personne visée, à porter atteinte à ses conditions de travail (on lui retire son autonomie, on lui donne trop ou pas de travail, on la pousse à la faute, on ne la retient pas pour une promotion), à porter atteinte à sa dignité (critiques, injures, diffamations), à exercer à son égard une violence verbale ou physique pour l’évincer socialement.
 
 Défendre les intérêts matériels et moraux de salariés, c’est combattre toutes les situations qui affectent la dignité des travailleurs et génèrent des conditions de travail humiliantes et dégradantes.
 De la reconnaissance du phénomène à la reconnaissance des victimes
  Selon une enquête réalisée en 2000 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 13 millions de travailleurs en Europe seraient victimes de harcèlement moral au travail.
 En France, le Conseil Economique et Social (CES) a estimé, dans un rapport adopté en avril 2001, qu’il était possible, d’après les enquêtes nationales et internationales, d’établir un portrait type du harcelé.
 Dans 70 % des cas la victime est une femme
 On constate en effet que les femmes les plus âgées, les femmes enceintes, d’origine étrangère ou célibataires, sont des victimes idéales. Les caractéristiques des harceleurs font ressortir un modèle de domination masculine car si les “souffre-douleur” sont majoritairement des femmes, ceux qui les persécutent sont majoritairement des hommes. Cela n’est d’ailleurs pas un hasard, car le harcèlement trouve un terrain de prédilection dans un monde professionnel où les inégalités et les discriminations ne sont que l’aboutissement du sexisme et du racisme ambiant.
 Dans les faits, les situations de harcèlement moral présentent de fortes similitudes avec le harcèlement sexuel. Dans les deux cas, il s’agit d’humilier l’autre, de le dévaloriser ou de le considérer comme un objet à disposition.
 Les femmes, qui représentent en France 80 % des salariés pauvres et des familles monoparentales, constituent une population particulièrement exposée, du fait de la précarité, de la dégradation des conditions de travail et de la position de fragilité de ces salariées.
La peur du licenciement conduisant très souvent les victimes à subir et à tolérer ce qui est du domaine de l’intolérable.
 Le délégué syndical est une personne qualifiée pour intervenir au sein de l’entreprise…
 
Mais pour agir, il faut être informé. Or, dans une majorité de cas, la victime ne se manifeste auprès du délégué qu’au terme d’un processus qui a duré des mois, voire des années. Culpabilisée, blessée dans sa dignité, déprimée et atteinte psychologiquement, elle n’a plus la force de se battre. Il devient alors beaucoup plus difficile de l’aider à rétablir des relations professionnelles normales et à faire valoir ses droits.
 Le rôle du délégué est alors fondamental car il peut faire connaître et reconnaître les agissements et aider la victime à constituer un dossier. Etablir des faits, démontrer et prouver l’existence du harcèlement reste encore, malgré les aménagements de la nouvelle loi, un problème épineux auquel il peut aider à faire face. Mais là n’est pas sa seule mission. Il doit aussi combattre l’indifférence pour éviter que la victime ne se retrouve au ban des accusés, jugée responsable de sa situation, ou encore que sa démission ou son exclusion ne soit vécue par la collectivité comme un “soulagement”. Jusqu’à la prochaine victime, car là où est toléré le harcèlement , il y en a toujours un prochain...
 Vaincre le harcèlement moral relève d’une responsabilité collective
  Le harcèlement moral n’est pas une fatalité, il doit être combattu sous toutes ses formes.
 N’oublions pas que si la conscience populaire associe souvent travail et souffrance, le mouvement syndical est né de cette volonté de libérer le travailleur de l’oppression et de le protéger des risques du travail et de sa pénibilité. Seul nous ne pouvons rien, ensemble nous pouvons agir contre l’ignorance, l’isolement et l’exploitation.
 Dans ce combat pour la dignité humaine, n’ayons pas peur de dire les choses, car se taire c’est être deux fois victime.
 Une loi pour faire avancer le droit des victimes…
  Force Ouvrière réclamait depuis longtemps une législation spécifique et adaptée aux réalités - tristes réalités-du monde du travail, permettant de garantir aux victimes, qu’elles soient du privé comme du public, le respect de leur intégrité physique et morale. Dans ce contexte, la loi de modernisation sociale, à travers ses articles sur la lutte contre le harcèlement moral au travail, contient des dispositions relatives à la définition, la prévention et la répression du harcèlement moral qui répondent en grande partie à nos revendications.
 
 En partie seulement, car si cette loi représente un progrès dans la reconnaissance du phénomène et du droit des victimes, elle ne permet pas de sanctionner réellement le harcèlement moral institutionnel et donc d’agir préventivement. Ce combat là reste à mener, et s’il n’est pas le plus simple, il est néanmoins impératif.
 
Ceci étant, la “pénalisation” du harcèlement devrait avoir deux effets. D’une part, mettre l’agresseur en position de coupable et responsable, et d’autre part, donner à la victime la possibilité d’être reconnue comme telle et d’obtenir réparation. Enfin, la possibilité pour le syndicat d’agir en justice, en se substituant au salarié harcelé, devrait permettre aux victimes en situation de détresse et de faiblesse de faire valoir leurs droits en mobilisant le collectif.
 … et conforter l’intervention syndicale
  Enfin par la négociation, le syndicat doit contribuer à définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer les conditions de travail. Elle doit permettre aux salariés de s’exprimer sur le contenu et l’organisation du travail, notamment sur les méthodes de travail qui font le lit des comportements pervers, ainsi que sur l’environnement matériel et humain susceptible d’influer sur la santé physique.
  Les CHSCT ont dans ce cadre un rôle prépondérant, car le processus de harcèlement déclenche des pathologies graves, pouvant aller jusqu’au suicide.

Définition du harcèlement moral

LE HARCELEMENT MORAL ENFIN APPREHENDE PAR LE DROIT

  Le vide juridique relatif au harcèlement moral dans les relations de travail vient d’être comblé par l’adoption, ce 19 décembre 2001, de la loi "modernisation sociale" contenant des articles spécifiques de lutte contre cette atteinte aux droits des salariés.
Voici une synthèse de la loi  :

 

 

 

 Définition du harcèlement moral

 

  Des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d’un(e) salarié(e), d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (art. L 122-49 – al.1er).
 Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et la nullité de plein droit frappe toute mesure prise en considération du fait qu’un(e) salarié(e) a subi, refusé de subir, témoigné ou relaté de tels agissements : sont ainsi appréhendés toute sanction, tout licenciement, toute mesure discriminatoire directe ou indirecte pris en matière notamment de rémunération, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, promotion, mutation ou renouvellement du contrat (liste non exhaustive) (art. L 120-2).
 Le chef d’entreprise est responsable des dispositions nécessaires à prendre pour prévenir les agissements de harcèlement moral et le chef d’établissement est tenu de protéger en outre la santé mentale des travailleurs. Le règlement intérieur notamment devra rappeler les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement moral. Des sanctions disciplinaires pourront être prises par l’employeur contre les auteurs de harcèlement moral.
 Les missions du CHSCT (art. L 236-2) et du médecin du travail (L 241-10-1), ainsi que le droit d’alerte des délégués du personnel sont élargies à la santé mentale des salariés et à la prévention du harcèlement moral (art. L422-1-1). Les délégués du personnel doivent alors saisir l’employeur. Celui-ci ou son représentant est tenu de procéder sans délai à un enquête et de faire remédier à cette situation.
 Une nouvelle procédure de médiation est instituée, avant litige judiciaire, visant à la conciliation des "parties". Les médiateurs, spécialisés sur le harcèlement sexuel ou moral, seront désignés par les Préfets sur proposition des syndicats représentatifs au niveau national et d’associations de défense de victimes du harcèlement moral. La fonction de médiateur sera incompatible avec un mandat de conseiller prud’homal en activité. (art. L 122-54).
 En cas de litige, le salarié bénéficie d’un régime de preuve favorable : il doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement : l’employeur devant alors prouver que ces éléments ne constituent pas un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (art. L 122-52). Au juge ensuite de former sa conviction "après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles".
 Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes actions sur le fondement des articles appréhendant le harcèlement moral en faveur d’un salarié, avec son accord écrit (art. L 122-53).
 Le harcèlement moral est appréhendé par le code pénal qui prévoit un an d’emprisonnement et 15.000 e d’amende.
Un régime équivalent à celui du code du travail est prévu dans la fonction publique.
 

Le harcèlement moral

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

 

Le harcèlement moral consiste en des agissements répétés à l’égard d’un salarié, ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (art. L 122-49 du Code du travail).
Le harcèlement moral n’est pas forcément le fait d’un supérieur hiérarchique ou de l’employeur. Il peut émaner d’un simple collègue.
Les dispositions relatives au harcèlement moral sont applicables à tous les salariés de droit privé, y compris aux marins, concierges, personnels de maison et assistantes maternelles.

Comment prévenir le harcèlement moral ?
 

Il appartient à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Cette obligation étant de résultat, il peut voir sa responsabilité engagée alors même qu’il n’est pas l’auteur des faits fautifs. L’employeur est tenu d’insérer dans le règlement intérieur des dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral.
D’autres acteurs sont susceptibles d’intervenir en matière de prévention du harcèlement moral : le CHSCT qui peut proposer des actions de prévention, le médecin du travail qui peut proposer toute mesure individuelle justifiée par des considérations relatives à l’état de santé physique et mentale des salariés, les délégués du personnel qui peuvent exercer leur droit d’alerte.

Le harcèlement moral est-il sanctionné par la loi ?
 

Sur le plan civil, il est prévu qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral, tout acte pris en méconnaissance de ce principe étant nul de plein droit. Une protection similaire est accordée aux personnes ayant témoigné d’agissements de harcèlement moral ou les ayant relatés. En outre, la loi prévoit que le « harceleur » peut faire l’objet de sanctions disciplinaires.
Sur le plan pénal, ce type de comportement est également sanctionné. Le harcèlement moral est puni d’un an de prison et d’une amende de 15.000 €.

Que peut faire le salarié harcelé ?
 

 Le salarié harcelé peut rechercher de l’aide auprès de tous les acteurs précédemment visés : délégués du personnel, CHSCT, médecin du travail, employeur ou inspecteur du travail.
 La personne harcelée ou celle mise en cause peut engager une procédure de médiation. Les deux parties doivent s’accorder pour choisir le médiateur. Le médiateur devra s’informer de la situation et convoquer les parties pour tenter de les concilier. Faute de conciliation, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des possibilités de recours judiciaires offertes à la victime.
 Il peut également s’adresser à une organisation syndicale représentative qui pourra exercer en justice toute action relative au harcèlement moral en sa faveur, dès lors qu’il y aura donné son accord par écrit. Le salarié pourra toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment.
 Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir des dommages-intérêts réparant le préjudice moral et, le cas échéant, financier (ex. : arrêt de travail) né du harcèlement moral. Il peut aussi demander la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. Toute rupture du contrat de travail (licenciement ou démission) résultant d’un harcèlement moral est nulle, le salarié a droit, s’il le souhaite, à sa réintégration dans l’entreprise. Dans certains cas, il peut faire reconnaître que les agissements de harcèlement constituent un accident du travail ou une maladie professionnelle (suicide, dépression, etc.), ce qui modifie les conditions de son indemnisation.

Comment prouver que l’on est victime de harcèlement moral ?
 

 La preuve du harcèlement peut être établie par tous moyens : attestations de collègues, de clients, certificats médicaux, documents divers…
 Cette preuve étant difficile à apporter, le législateur en a aménagé la charge puisqu’il appartient au salarié d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Puis, le « harceleur présumé » doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à cette notion. Compte tenu de tous ces éléments, il appartient alors au juge de trancher.

Les fonctionnaires sont-ils protégés contre le harcèlement moral ?
 

Oui, il est prévu pour les trois fonctions publiques des dispositions particulières très proches de celles applicables aux salariés de droit privé.

 

  N’hésitez pas à vous rapprocher du syndicat Force Ouvrière si vous pensez être victime de harcèlement.

 

Extrait du Guide du salarié FO 2006 en vente dans la caravane FO

La dépression nerveuse admise comme accident du travail

La chambre sociale de la Cour de cassation a été dépossédée, par ordonnance du 6 janvier 2003, de ses attributions en matière d’accidents du travail au profit de la deuxième chambre civile. On pouvait alors craindre un changement de cap de la jurisprudence en la matière (voir FO Hebdo n° 2610, du 2 avril 2003). Dans un arrêt du 1er juillet 2003, la deuxième chambre civile semble toutefois confirmer l’acception extensive de la notion d’accident du travail adoptée par la chambre sociale (Cass. 2e civ., 1er juillet 2003, n°02-30.576 FS-P, CPAM de Dordogne c/ Ratinaud et a.). 
 

 En l’espèce, lors de l’entretien annuel d’évaluation, un chef de poste est surpris de se voir soudainement reprocher d’être incompétent et, en conséquence, de se voir rétrogradé au poste d’agent de maîtrise suppléant. On lui reproche notamment de ne pas s’imposer techniquement face à son équipe, de ne pas être suffisamment « meneur » et de manquer de fiabilité. Son travail avait pourtant toujours donné entière satisfaction.

 Deux jours plus tard, son médecin traitant constate qu’il est atteint d’une dépression nerveuse. La CPAM refuse de prendre en charge cette affection en tant qu’accident du travail, malgré l’avis contraire de l’expert médical technique. La cour d’appel de Bordeaux accueille la contestation du salarié et décide que la dépression nerveuse est constitutive d’un accident du travail. La CPAM forme un pourvoi en cassation au motif que le salarié ne se prévaut d’aucune lésion physique, l’entretien n’ayant donné lieu à aucun coup, insultes ou pressions inacceptables sur le salarié.

 La Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ». La Cour d’appel ayant constaté que la dépression était survenue de manière soudaine dans de telles circonstances, les juges avaient valablement décidé qu’elle pouvait être considérée comme un accident du travail.

  Deux enseignements principaux peuvent être tirés de cet arrêt :

- premièrement, la notion de « lésion corporelle », critère traditionnel de la définition de l’accident du travail, est entendue largement puisqu’elle s’étend aux troubles psychiques. La dimension psychologique de la santé du salarié est ainsi prise en compte en matière d’accidents du travail, comme elle l’a récemment été en matière de harcèlement (loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, article L. 122-49 du Code du travail).

- deuxièmement, il semblerait que la Cour de cassation ait fait de la « soudaineté », entendue comme la certitude de la date de l’événement à l’origine de la pathologie, le critère déterminant de l’accident du travail. Dans un arrêt du 2 avril 2003, déjà, elle avait posé comme principe que constituait un accident du travail tout « événement ou série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci ». Elle décidait alors que la sclérose en plaques contractée à la suite d’un vaccin obligatoire pour l’exercice de la profession était un accident du travail, la date de la vaccination étant certaine (voir FO Hebdo n°2617, du 21 mai 2003).

 De la même manière, dans l’espèce qui nous intéresse, l’événement à l’origine directe de la dépression – l’entretien d’évaluation – était précisément situé dans le temps. En ce sens, la condition de soudaineté était remplie.

 La Cour de cassation a pu en déduire que la dépression nerveuse pouvait être qualifiée d’accident du travail.

 Cette décision a le mérite, au-delà de l’extension de la notion d’accident du travail à laquelle elle procède, de reconnaître, ne serait-ce qu’indirectement, les conséquences désastreuses que peuvent avoir les entretiens d’évaluation sur les salariés. Cette prise de conscience n’est malheureusement pas encore le fait de toutes les juridictions (voir InFOjuridiques, septembre 2003).